Innover pour l'alimentation de demain

Le 20 septembre 2024

Comment innover pour l’alimentation de demain ? Comment passer de l’idée à la mise sur le marché d’un produit alimentaire innovant ? Stéphanie Tabaï, responsable de l’incubateur Foodshaker de l’école d’ingénieurs en agriculture et agroalimentaire ISARA et intervenante lors de Meet & Fabrik L’EXPO, nous explique les enjeux de l’innovation dans ces filières.

En quoi est-ce important d’innover dans les filières agricoles et alimentaires ?

Aujourd’hui, l’évolution démographique et le dérèglement climatique induisent des changements dans nos pratiques agricoles et alimentaires : l’urbanisation et la déforestation gagnent de la place sur les terres agricoles, les épisodes de sécheresse, les fortes pluies, la hausse des températures menacent les cultures...
La préservation de notre environnement (l’eau, les sols, la biodiversité, le climat) mais également de la santé humaine, végétale et animale deviennent les principaux enjeux des filières agricoles et alimentaires qui doivent s’adapter. Pour cela, il est nécessaire d’innover à travers trois leviers : une agriculture respectueuse de l’humain et de nos ressources, le développement de la circularité et une alimentation plus durable et de qualité pour le plus grand nombre.


Quelles sont justement les grandes tendances et innovations actuelles dans le domaine de l’alimentation pour répondre à ces enjeux ?

On assiste aujourd’hui au développement de protéines alternatives aux protéines animales plus respectueuses de l’environnement : les protéines végétales, utilisées comme alternatives ou substituts à la viande comme les produits de la marque « Hari&Co » ; les protéines fermentées, produites par des micro-organismes comme « Bon Vivant » qui utilise la fermentation de précision pour obtenir des protéines de lait sans recours à l’élevage de vaches ; les protéines cultivées en laboratoire à partir de cellules animales ; les protéines produites à partir de microalgues ou encore les insectes, une source de protéines encore peu développée.
Des solutions sont également trouvées pour limiter le gaspillage alimentaire, avec des outils numériques pour mettre en relation les consommateurs avec des restaurants ou commerces qui ont des surplus, comme l’application « Too Good to Go », ou encore avec la valorisation de produits déclassés ou de co-produits issus de l’industrie agroalimentaire. Le projet Atypique permet de trouver des débouchés pour des fruits et légumes déclassés parce qu’ils ont par exemple été refusés par la grande distribution à cause de leur calibre ou un défaut esthétique ou bien parce que la production a été nettement supérieure aux attentes et que le producteur n’a pas de débouchés commerciaux suffisants.

Prototyper à différentes échelles ainsi que les phases de dégustation entre chaque itération vont permettre de petit à petit mesurer l’impact de ces changements d’échelles et voir quels compromis on est prêt à faire sur son produit.

Se développent également des innovations pour rendre l’alimentation plus inclusive, via des produits s’adressant à des régimes spécifiques comme les sportifs, les personnes âgées ou atteintes de troubles alimentaires.
Enfin la valorisation de matières premières anciennes ou méconnues consiste à (re)mettre au goût du jour des cultures plus résistantes au changement climatique comme le sorgo et le millet proposés par Vieille graine. On peut aussi citer France Konjac, qui a permis d’introduire en France la culture de konjac, un tubercule sans gluten et hypocaloriques très populaire en Asie.

En quoi est-ce important de prototyper dans l’agroalimentaire ?

Comme dans d’autres domaines, le développement de son produit passe par différentes échelles : on prototype d’abord dans sa cuisine, avec le matériel du quotidien puis dans une cuisine professionnelle avec un matériel adapté, dans un environnement plus maîtrisé. Vient ensuite le prototypage en halle technologique, une mini usine pilote équipée de machines industrielles en modèles réduits avant de créer son propre atelier de production ou bien de transférer la production à un sous-traitant industriel qui devient alors un partenaire.
Chaque changement d’échelle va induire des changements dans la formulation, les ingrédients, ou le conditionnement qui vont affecter le produit. Prototyper à différentes échelles ainsi que les phases de dégustation entre chaque itération vont permettre de petit à petit mesurer l’impact de ces changements d’échelles et voir quels compromis on est prêt à faire sur son produit.

Quelles sont les enjeux à avoir en tête lors de la phase de prototypage ?

Encore une fois, le changement d’échelle a des impacts sensoriels sur le produit mais également sur sa production à grande échelle. En effet, plus le produit est innovant, plus son processus de fabrication peut être difficile à réaliser pour un potentiel partenaire industriel qui n’aura pas forcément les ressources nécessaires à ce processus.
Le deuxième enjeu est la sécurité alimentaire, sur lequel aucune concession n’est possible. Il faut respecter de nombreuses règles, faire attention aux allergènes, etc.
Enfin, il existe différents modes de conservation d’un produit alimentaire : pasteurisation, stérilisation, sec, frais… Ainsi, la question de la conservation du produit va avoir un impact sur son conditionnement et son goût.


Est-ce que vous auriez un exemple d’une start-up que Foodshaker, l’incubateur de l’ISARA, a accompagné du prototypage à l’industrialisation ?

Foodshaker accompagne Épât’moi, une pâte à tartiner saveur choco-noisettes sans cacao développée par Chloé Jullien et Julia Da Prato. Elles sont parties du constat que la filière du cacao a un impact important sur la biodiversité et que sa culture requiert de grandes quantités d’eau. Le cacao est par ailleurs importé de loin ce qui fait de la pâte à tartiner un produit fortement émetteur de CO2. Elles se sont ainsi appuyées sur la caroube, une gousse issue d’un arbre cultivé dans le bassin méditerranéen ainsi que d’autres ingrédients savoureux pour reproduire un goût chocolaté dans une pâte à tartiner plus respectueuse de l’environnement. Ces deux jeunes entrepreneuses ont commencé le prototypage de leur produit dans les infrastructures de l’ISARA et sont passées par les étapes que nous avons décrites plus tôt pour produire une pâte à tartiner à la hauteur des standards des leaders du marché.

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